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Vidéo et pédagogie

1000 ! C’est le nombre d’heures que passe un enfant de 7 à 10 ans devant un écran par an contre environ 900 heures à l’école. Plusieurs études scientifiques montrent d’ailleurs les répercussions négatives que peuvent avoir les écrans chez les plus jeunes, notamment en dessous de 5 ans. Mais alors, pourquoi encore ajouter de la vidéo en classe ? Qu’est-ce qu’elle peut offrir comme intérêt pédagogique et éducatif ? Comment pouvons-nous la mobiliser au service des apprentissages scolaires ?

Nous allons essayer de comprendre ce qui caractérise la vidéo éducative, ce qu’elle met en jeu, afin d’utiliser ses caractéristiques au service d’apprentissages proprement scolaires. Nous verrons aussi les enjeux théoriques d’un usage des vidéos dans un environnement éducatif. Vous l’avez saisi, nous échangerons sur les apports, mais également les limites de la vidéo éducative. Je pars donc du postulat que la vidéo a une plus-value suffisante pour qu’il soit pertinent de se dire que nous allons encore en ajouter ou transformer une consommation qui peut déjà être excessive.

Contextualisation :

J’ai commencé à réaliser des vidéos éducatives en 2017. C’était alors très modeste et je les ai intégrées dans ma pédagogie avec pour but d’engager davantage les élèves. J’ai ensuite mis en place des classes inversées où les élèves regardaient la vidéo avant le cours et nous en discutions en arrivant. Rapidement, ce modèle montrait ses limites, car certains n’avaient pas vu la vidéo. Je me rendais aussi vite compte que les élèves restaient trop passifs. J’observais bien que ça plaisait et que ça les motivait. Mais il fallait que je repense ma pédagogie pour qu’ils soient davantage acteurs de leurs apprentissages plutôt que de visionner une vidéo et répondre à quelques questions.

Les avantages directs de la vidéo

Les images de livre de cours de l'époque

Au XIXe, début du XXe siècle, nous voyons un enseignement dominé par l’écrit. Les manuels contiennent des textes longs et rébarbatifs. Ces textes attiraient moins les élèves. L’image est arrivée un peu comme une enluminure et donnait une représentation aux élèves. Progressivement, l’image a pris une place de plus en plus grande et est devenue incontournable. Après l’image, des vidéos ont été utilisées en histoire et en sciences pour le meilleur et pour le pire d’un point de vue pédagogique. Nous nous souvenons tous de vidéos de deux heures que nous avons dû regarder et qui étaient d’un ennui mortel. Jusqu’à aujourd’hui, l’image n’a pas arrêté de s’immiscer dans nos vies à travers la télévision, le cinéma, les jeux vidéo, Netflix, etc.

C’est à ce moment-là que la communauté éducative se retrouve face à un dilemme ; est-ce je tente de les interdire ou est-ce que je les utilise pour mieux armer les élèves contre ses dérives et pour exploiter son potentiel éducatif ? Vous l’aurez compris, le parti pris de cet article est la seconde en réalisant un double travail :

  • décrypter et avoir un esprit critique sur les images que nous voyons tout au long de la journée,
  • mobiliser les images pour les apprentissages scolaires.

Il s’agira alors de former des utilisateurs critiques.

Mémorisation et motivation

Je prends ce parti, car dès 1969, les travaux de Wiman et Merierhenry ont montré que les élèves mémorisent :

• 10 % de ce qu’ils lisent
• 20 % de ce qu’ils entendent
• 30 % de ce qu’ils voient
• 50 % de ce qu’ils voient et entendent.

Meringoff a également montré que le processus de mémorisation est renforcé lors de la lecture de vidéos. Ces résultats sont corroborés par les recherches de Bergsma (2002) et Karsenti (2012) qui valident les effets positifs de l’utilisation des vidéos notamment en raison de l’émotion qu’elle suscite et donc sa mémorisation plus rapide.

En plus de cela, la plupart des informations transmises au cerveau sont visuelles et les images sont traitées bien plus vite que le texte. La succession des images dans une vidéo permet de créer un aspect dynamique qui capte l’attention, car l’œil est attiré par le mouvement.

En 2012, ce sont les travaux de Willmot qui montrent les effets positifs de la vidéo sur la motivation des élèves dans le cadre de l’enseignement des sciences. Il insiste également sur l’amélioration de l’expérience d’apprenant, l’obtention de meilleures notes et l’augmentation de l’autonomie. Un rapport de Desparois et Lambert en 2014 confirme l’augmentation de cette motivation et l’amélioration des notes des élèves plus faibles.

Les travaux scientifiques récents montrent une amélioration de la capacité des élèves à visualiser des phénomènes et à les mémoriser. Mais vous allez me dire, ces études ont été réalisées dans un certain contexte, avec un groupe d’âge, pour certaines matières, est-ce pertinent de transférer ces pratiques dans ma classe ? Et bien, tout dépend de l’utilisation que vous en faites.

La vidéo vous permet de repenser votre pédagogie

Vidéo et pédagogie : c'est pas sorcier

Il serait naïf de se dire : la vidéo c’est génial, même des chercheurs le déclarent. Je vais diffuser un bon « C’est pas sorcier » à mes élèves et je suis tranquille pour l’heure à venir. Évidemment, cet exemple caricatural fait fi d’une utilisation de la vidéo qui serait pensée et intégrée dans une approche et un scénario pédagogique renouvelé. Dans ce sens, la vidéo doit avant tout apparaitre comme complémentaire aux autres supports. Cette complémentarité doit être synonyme de mise en activité des élèves pour sortir d’une consommation trop souvent passive hors du cadre scolaire.

La classe inversée

La classe inversée

Une des manières d’intégrer la vidéo tout en repensant sa pédagogie est la classe inversée. C’est l’idée de proposer à ses élèves un contenu à étudier hors du temps scolaire pour ensuite échanger avec ses pairs et interagir avec l’enseignant en classe. La lecture d’un ouvrage peut également être considérée comme de la classe inversée, mais nous allons nous contenter de parler de la vidéo en tant que support. Très concrètement, à la maison, les élèves ont à disposition une capsule vidéo courte, qui présente les notions de manière brève. Ils peuvent regarder la vidéo, effectuer des pauses, la revoir. C’est un travail en autonomie qui s’adapte aux besoins de chacun et permet de naviguer dans la capsule à son rythme.

Le temps scolaire est alors consacré aux travaux de groupes, aux interactions, aux interrogations des élèves sur les notions vues dans la capsule. Les apprentissages sont modifiés vers un modèle centré sur l’élève. L’idée est d’optimiser le temps de classe et d’en profiter pour différencier ses pédagogies.

Dans une classe inversée, les élèves contrôlent mieux leurs apprentissages. La vidéo ne doit pas forcément venir de vous. Lorsque le contenu est produit par un autre professeur, cela permet aussi à l’élève de voir un point de vue différent ou une nouvelle approche, qui va l’aider, peut-être, à comprendre plus facilement.  Cela peut apporter plus de sérénité à l’élève dans les cas d’élèves avec des difficultés, ou des troubles. Il a des éléments visuels, oraux ou écrits supplémentaires au discours du professeur qui demeurent modifiables suivant les troubles. Le cours paraitra plus dynamique, plus individualisé. Mais pour cela, repenser sa pédagogie est nécessaire.

Vidéos et pédagogies actives

La vidéo une pédagogie active

Ce qui est important c’est d’utiliser la vidéo comme un outil pour mettre en activité ses élèves. Vous noterez facilement la différence entre regarder un épisode de « C’est pas sorcier » qui dure une heure et voir une capsule de cinq minutes pour ensuite réaliser une exploitation socioconstructiviste qui rend les élèves acteurs de leurs apprentissages. Dans le premier cas, l’assimilation des connaissances va dépendre énormément de la capacité de concentration et de mémorisation de chacun. Nous savons que les données mémorisées sont importantes après la visualisation et diminue au fur et à mesure du temps qui passe. Dans le second cas, la vidéo demeure un outil ponctuel qui doit amener une mise en activité des élèves qui peut prendre de nombreuses formes : le tâtonnement, l’expérimentation et le fait d’apprendre en faisant.

Il me semble donc indispensable que la vidéo soit une manière d’aller vers plus de pédagogie active. Je ne vais pas revenir sur les travaux de Ferrière, Freinet, Montessori, Piaget, Vygotksy, etc. Ils ont largement montré qu’une meilleure efficacité des apprentissages passe par une mise en activité cognitive, physique, une expérimentation, la formulation d’hypothèses, l’essai-erreur, la résolution de problème, etc. Il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas la vidéo qui va placer vos élèves en situation de réalisation de projets, d’échanges, de collaboration, de jeux, d’enseignement entre pairs, d’auto-évaluation, de créativité, etc. C’est vous et la manière dont vous allez structurer votre pédagogie. C’est la même chose pour un manuel scolaire. Il y a une grande différence entre « faites les pages 12 à 18, on corrige dans une heure » et partir d’un texte, d’un exercice, pour susciter des questionnements et chercher.

La vidéo pour une pédagogie plus motivante et engageante

Donc, la vidéo doit être une façon de repenser sa pédagogie pour effectuer des apprentissages plus en profondeur (recherche, analyse, esprit critique, argumentation, etc.) et plus durables. Ils doivent solliciter la mémoire à long terme et bien sûr augmenter la motivation, l’intérêt et l’engagement.

Nous pouvons très bien imaginer une capsule vidéo sur la digestion qui serait un point de départ d’une séance de sciences. Puis d’une démarche d’investigation où les élèves se sont déjà posés des questions, et se mettent en situation de recherche avec des problématiques à résoudre.

Alors, bien entendu, rien n’est magique. Ces pédagogies actives sont chronophages. Il est plus difficile de trouver sa place en tant qu’enseignant, et un équilibre entre rigueur et souplesse tout en évitant de charger cognitivement ses élèves. C’est donc une pédagogie efficace qui a de nombreux intérêts, mais qui ne correspond pas à tous les lieux, tous les moments et tous les élèves.

Tout cela pour dire que la vidéo doit être utilisée comme une modalité qui permet de sortir d’une transmission frontale pour aller vers une pédagogie scénarisée. En effet, visionner une vidéo même si elle apparait motivante, engageante et divertissante reste une activité d’apprentissage passive.

Différenciation pédagogique

différenciation pédagogique avec la vidéo

La vidéo peut également constituer un outil pertinent de différenciation pédagogique. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’aucun élève n’apprend de la même façon ni au même rythme. Pourtant, tous doivent maîtriser des compétences et connaissances identiques des programmes, du socle commun. Pour faire face à cette hétérogénéité, multiplier les dispositifs et les outils apparait nécessaire pour répondre aux besoins de chacun. Pour moi, ça a toujours été la partie la plus difficile de l’enseignement. Nous avons tous dans sa classe un élève dys, un hp, un élève avec un tda, un tdah, un autre en situation de handicap, etc. Bref, dans l’absolu, nous devrions créer un enseignement pour chaque élève. Malheureusement, ce n’est pas possible, alors nous faisons souvent comme nous pouvons en agrandissant la feuille pour Arthur, en mettant des lignes rouges pour Sami, en donnant une balle à Louna, etc.

Les outils numériques peuvent ainsi représenter une aide importante dans sa différenciation pédagogique et notamment à travers la vidéo. Bien entendu, tous les outils numériques ne possèdent pas que des effets bénéfiques et ils doivent être utilisés lorsqu’ils constituent une réelle plus-value. J’ai le sentiment qu’il existe une tendance à vouloir placer du numérique partout et à fournir des tablettes à tout le monde sans accompagner les enseignants et sans se demander s’ils s’avèrent pertinents. C’est la même question qui se pose pour la vidéo. L’employer pour la différenciation, oui, mais quand ses effets sont suffisamment bénéfiques.

Les vidéos peuvent être adaptés individuellement

Ainsi, quand je produisais des contenus vidéo pour ma classe, je réalisais une version pour le groupe classe. Ensuite, je pouvais les adapter assez facilement, en me disant : “Je sais que cet élève ne pourra pas gérer toutes ces informations alors j’enlève la musique et l’arrière-plan”. Je sais que cet autre élève est dyslexique et je dois changer ma police de caractère et mettre certaines couleurs. Je peux modifier la quantité de texte, la taille, ajouter des éléments de guidage. C’est la vidéo de base qui est longue à créer, mais des adaptations peuvent être greffées rapidement.

Ensuite, quand nous avons la vidéo, nous pouvons l’incorporer de différentes manières dans le processus d’apprentissage. J’ai un groupe d’élèves qui a besoin d’une systématisation importante, je peux réaliser une vidéo sur les notions essentielles d’une séquence et demander de la revoir à la fin d’une leçon accompagnée d’un quiz. Je peux inclure une vidéo dans un parcours en autonomie ou un contrat individuel. Je peux aussi soumettre une thématique où je m’attends à très peu de représentations initiales et je peux alors proposer une vidéo à regarder en amont.

Pour l’anecdote, c’est comme ça que j’ai démarré les capsules vidéo. Je devais effectuer une leçon sur les contenances et dans ma tête, je me suis dit : « Bon, ils ont déjà étudié les litres, ils savent ce que représente un litre, on peut avancer ». En fait, pas du tout. De nombreux élèves n’avaient pas en tête une représentation claire de ce qu’est un litre à travers une bouteille d’eau ou de lait comme référence. Je me suis alors dit qu’une capsule pourrait être pertinente pour avoir différentes représentations. Je les ai ensuite exploitées en classe pour manipuler.

Bien préparer sa vidéo

Bien préparer sa vidéo dans sa pédagogie

Selon vos intentions éducatives, l’utilisation de la vidéo peut se faire avant, pendant ou après une leçon. Ces intentions éducatives, vous pouvez les partager avec vos élèves en leur donnant des pistes de réflexion ou en écrivant des questions durant le visionnage.

Vous pouvez préparer cognitivement les élèves en abordant un nouveau sujet, une nouvelle problématique qui sera exploitée en classe.

La vidéo peut aussi être utilisée pendant une leçon pour engager davantage les élèves, dynamiser leur motivation, illustrer un propos ou amener des échanges. C’est évidemment un outil d’illustration important pour certaines thématiques qui se trouvent difficilement visualisables en classe. Avec la vidéo, nous pouvons montrer le processus de digestion, de respiration, l’école d’autrefois, le Système solaire, etc.

Après une leçon, la vidéo peut également être un outil de révision, d’évaluation, de réactivation ou de différenciation.

Et nous arrivons alors à l’aspect pratique de la réalisation d’une vidéo. Évidemment, vous pouvez exploiter ce qui existe déjà, nous pouvons prendre des morceaux de reportage, des documents historiques, géographiques, utiliser les vidéos de Maître Lucas, etc. Nous pouvons aussi imaginer concevoir des vidéos avec ses élèves afin de renforcer encore la mémorisation et de développer leur créativité.

L’avantage de la vidéo c’est qu’elle reste accessible partout et que nous pouvons la visionner autant de fois que nous souhaitons et au rythme de chacun. Cependant, nous voyons rapidement les limites de l’exercice si nous nous filmons face à la caméra et que nous récitons notre cours.

Comment la vidéo peut apporter une plus value en classe ?

Pour que la vidéo apporte une plus-value, elle doit posséder plusieurs caractéristiques :

  • En priorité : qu’elle reste courte. Autour de 3 à 5 minutes. Il ne s’agit pas de refaire tout un cours en vidéo, mais d’illustrer ou de susciter un questionnement.
  • Ne traiter que d’un sujet.
  • Il faut des diapositives courtes qui mettent l’accent sur les informations essentielles.
  • Créer des ruptures en changeant d’images, de personnages, etc.
  • Poser des questions dans la vidéo pour augmenter l’interactivité ou en utilisant un logiciel pour répondre à des questions dans la vidéo.
  • Avoir une bonne qualité de microphone.
  • Changer son intonation.
  • Parler rapidement et avec enthousiasme.
  • Utiliser des contenus de cours et non pas de l’enrichissement.
  • Guider l’œil vers les informations importantes.
  • Et enfin l’humour, car l’humour permet d’ancrer davantage l’information dans la mémoire.

En concevant votre vidéo, gardez toujours en tête la charge cognitive de vos élèves afin d’éviter que la mémoire n’ait trop de choses à traiter et qu’elle préserve uniquement les informations les plus importantes. Effectuez un tri dans les informations et ne conservez que celles qui contribuent aux objectifs d’apprentissage.

Pour faciliter l’assimilation par le cerveau, je conseille une signalisation pour attirer l’œil un peu comme nous le ferions dans du sketchnoting. Ceci avec des flèches, en entourant, en zoomant. Ensuite, éliminez les éléments qui ne contribuent pas aux objectifs d’apprentissages.

Nous augmentons également l’efficacité en mêlant le canal auditif et visuel en présentant une animation et en faisant la narration.

Pour ma part, je réalise la vidéo en plusieurs étapes :

  • Écrire un script, un scénario
  • Enregistrer sa voix
  • Monter les images
  • Déposer sur une plateforme de diffusion (YouTube, Viméo)
  • Ajouter des outils pédagogiques
Vidéo et pédagogie les étapes de création d'une bonne vidéo

Les contenus numériques peuvent ne pas être parfaits

Je vous avoue, tout cela prend du temps, surtout au départ. Quand je réalisais mes premières vidéos, je passais des heures dessus et je me disais, chaque fois, « plus jamais ». Mais lorsque j’ai reçu les premiers retours des élèves et des parents, c’était vraiment motivant.

Je crois également qu’accepter que vous ne soyez pas parfait est crucial. Quand je visionne des vidéos qui affichent actuellement des centaines de milliers de vues, je me dis « mais ce n’est pas possible, le son est nul, la musique est trop forte, c’est quoi ce personnage ici qui ne sert à rien ».

Aujourd’hui encore, j’améliore, chaque fois, mes vidéos et je trouve toujours des choses à perfectionner, mais c’est le jeu, je l’accepte. Si nous espérons atteindre quelque chose de parfait, nous ne produisons jamais rien.

Les limites de la vidéo dans la pédagogie

Le temps d'écran

Dans cette vidéo, je ne me place pas d’un point de vue moral en me demandant si c’est bien ou mal que les écrans prennent une part si grande de notre quotidien. Je comprends néanmoins les réticences que nous pouvons ressentir, à vouloir ajouter encore de la vidéo à un temps d’écran qui est souvent bien trop important. Une exploitation raisonnée de la vidéo peut aller de pair avec une éducation à l’image et aussi une limitation du temps d’écran.

Vous connaissez ces photos ?

donna stevens temps d'écran

C’est une photographe australienne qui se nomme Donna Stevens qui a pris ces photos pendant que des enfants regardent la télé qu’elle appelle « la boite à idiots ». Nous voyons que les yeux sont perdus dans le vide, les enfants apparaissent comme déconnectés du monde. Évidemment, un temps trop long devant les écrans peut devenir néfaste surtout quand nous restons passifs. En particulier pour les tous petits, où chaque heure d’écran est une heure d’apprentissage linguistique en moins, d’attention, de concentration, de construction de l’empathie, etc. Il me semble que nous pouvons rappeler, à ses élèves et aux parents d’élèves, lors de la réunion de rentrée, que demeurer maître du temps d’écran est nécessaire.

Faire attention au temps d’écran

Les études donnent des chiffres différents, mais je crois qu’une limitation très forte, voire inexistante, avant 6 ans, est importante et ensuite ne pas dépasser 2 h par jour jusqu’à la fin de la primaire tous écrans confondus. Alors bien entendu, certains vont me formuler que deux heures c’est déjà trop et d’autres vont me lancer que c’est facile à dire, mais dans les faits c’est plus compliqué. Évidemment, mon discours sera toujours de privilégier l’activité, les jeux, les sorties en famille, les visites de musées, la pratique sportive et musicale, etc. Mais je crois qu’il faut pouvoir rester audible avec vos parents d’élèves et certaines attentes ne seront pas réalisables.

vidéo et pédagogie la qualité du temps d'écran

J’ai bien conscience de l’impact négatif que peut avoir la vidéo dans nos sociétés et sa surconsommation, mais ne jetons pas le bébé, l’eau du bain et la baignoire. Tous les usages de l’écran ne se valent pas. Ce n’est pas la même chose de regarder Trotro toute la journée avec un cerveau passif et dans un état proche du sommeil que de jouer à un jeu vidéo où l’enfant résout des énigmes ou des problèmes, effectue des quêtes, où il y a une activité cognitive forte. Bien entendu, d’un point de vue cognitif et des apprentissages, tous les jeux ne se sont pas équivalents non plus.

Leçon temps d'écran CP CE1 CE2 CM1 CM2

Transformer le temps d’écran en temps pédagogique

Tout est dans la mesure et dans l’exploitation que nous en faisons. Comme pour la nourriture, nous pouvons choisir de placer devant l’enfant des bonbons et des chips en lui disant, « vas-y fais toi plaisir » ou mettre des aliments équilibrés et diversifiés à certains moments et dans certaines quantités. Les écrans et la vidéo peuvent être un support éducatif et de divertissement, mais pas n’importe comment. Cela passe aussi par une éducation des élèves à consommer avec modération des programmes de qualité.

Récemment, avec l’arrivée de “Squid game”, j’ai lu des centaines de témoignages d’enseignants qui étaient choqués que des élèves de cycle 3, voire plus jeunes, aient pu voir la série. Le jeu était même adapté dans la cour de récréation. La réaction reste tout à fait compréhensible, mais la question est de savoir, maintenant que faisons-nous ? Moi aussi j’aimerais que les parents limitent le temps d’écran de leur enfant, contrôlent ce qui est regardé et, en même temps, mangent équilibré, tout en pratiquant des activités culturelles. Mais il ne faut pas se leurrer, si nous n’effectuons pas ce travail en classe, personne ne va le réaliser pour nous.

Alors oui, je sais bien qu’en tant qu’enseignant nous avons la tête sous l’eau, et nous courons après les programmes. Mais si nous attendons que la télévision diffuse des contenus différents ou que les parents ne proposent que des choses équilibrées, nous allons pouvoir espérer longtemps. Nous pouvons toujours râler sur les réseaux sociaux pour dire que c’est inadmissible et que c’était mieux avant, mais finalement, c’est nous qui pouvons effectuer ce travail.

Orienter les enfants, plutôt que d’interdire

Pour rester dans la métaphore alimentaire, quand nous avons des élèves qui boivent des Capri-Sun à chaque goûter, des Yum Yum et des paquets de chips, nous mettons des dispositifs en place au niveau de l’école pour proposer des goûters plus équilibrés. Nous conduisons des réunions avec les parents pour sensibiliser, nous effectuons des séquences d’apprentissages sur les besoins du corps et l’équilibre alimentaire. Et bien là, c’est exactement la même chose. Les écrans peuvent devenir addictifs comme peuvent l’être le sucre et le gras. Ce n’est pas pour autant que nous allons supprimer le sucre et le gras, mais nous allons les utiliser avec parcimonie et en l’occurrence, pour tourner les enfants vers les apprentissages.

Bien entendu, les autorités sanitaires ont aussi leur rôle à jouer et doivent prendre une position claire et officielle.

De toute manière, je pense que l’efficacité pédagogique d’aller voir une famille très consommatrice d’écran et de dire : « c’est nuisible, il faut enlever les écrans », est limitée. Vous risquez surtout de recevoir des réponses du genre « j’ai toujours regardé la télé depuis tout petit, et je n’ai pas de problème ». Par contre, en disant qu’il est important de choisir des programmes de qualité, de limiter le temps d’écran, de discuter avec son enfant de ce qui est regardé, nous apparaissons déjà comme plus audible. Je ne conseille donc pas d’interdit ni de liberté absolue ni de stigmatisation des parents.

Conclusion sur la vidéo et la pédagogie

Les vidéos éducatives ont un potentiel important en pédagogie. Elles nécessitent du temps de construction, de mise en place, mais permettent d’en gagner par la suite et d’entrer dans un questionnement sur ses propres pratiques pédagogiques. Proposer des vidéos pour dire que nous innovons n’aurait que peu de sens si le scénario pédagogique n’est pas pensé pour les intégrer. De toute manière, nous pouvons posséder le meilleur outil du monde, s’il n’est pas conçu pour s’inscrire dans une démarche d’apprentissage, il aura un impact limité sur les élèves. Vous pouvez également rendre vos élèves acteurs en posant des questions dans la vidéo et en leur offrant de créer leur vidéo.

De plus, jamais les vidéos ne pourront remplacer un ou une enseignante. Nous sommes bien là dans un outil comme pourrait l’être le livre. Rassurez-vous, le métier d’enseignant a de beaux jours devant lui.

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